Un guide du débutant pour le suivi et l’évaluation inclusif : joindre le geste à la parole

La façon dont nous pensons à l’objectif et à la portée du suivi et l’évaluation (S&E) dans les contextes humanitaires et du développement est en train de changer. Plutôt qu'un processus qui vise principalement à satisfaire les exigences des bailleurs de fonds en matière de l’établissement des rapports et de conformité, le S&E est de plus en plus considéré comme un élément essentiel du cycle de vie du projet qui devrait également contribuer à l'amélioration du projet, à l'apprentissage organisationnel et à la responsabilité envers de multiples parties prenantes — en particulier les bénéficiaires.

Nous pouvons constater ce changement dans le travail de nombreux spécialistes en S&E qui s’occupent désormais également de la redevabilité, l'apprentissage et la planification (le « MEAL », « MEL », « PME » et « PMEL » en anglais). Il se voit également dans l'attente que les chargés de projet aient une solide compréhension du S&E et comment il peut être utilisé pour améliorer l'efficacité de la programmation. Enfin, cette portée élargie est évidente dans l'adoption fréquente des méthodes de S&E axées sur les résultats ou basées sur les droits humains par les organisations.

Le but ultime du développement et de l’action humanitaire est bien entendu d’améliorer la vie des gens, que ce soit en travaillant à la réduction de la pauvreté, des inégalités ou de l’injustice à long terme ou en atténuant immédiatement la souffrance et la vulnérabilité. Il s'ensuit que la mesure dans laquelle nous incluons toutes les personnes touchées dans nos programmes — atteignant également les personnes les plus marginalisées, qui font l’objet de discrimination ou qui sont à risque d'exclusion — est devenue une mesure de l'efficacité de nos interventions. La participation des populations affectées aux processus de gestion de projet est également bénéfique pour l'efficacité : elle peut rendre un projet plus réactif aux besoins réels (plutôt que supposés) et promouvoir la durabilité des résultats grâce à une plus forte appropriation communautaire.

Le but du S&E étant également de garantir l'efficacité de nos interventions, l’intégration de l'inclusion de manière systématique est donc une préoccupation majeure des praticiens de S&E.

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Qu'est-ce que l'inclusion ?

Bien que l'inclusion soit devenue un mot en vogue et un idéal auquel de nombreuses organisations expriment leur engagement, c'est un concept qui est encore mal défini et compris tout au long du cycle de vie du projet. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la conception des systèmes de S&E et la mise en œuvre des processus de S&E.

Lorsque nous entendons le mot « inclusion », nous pensons généralement à des approches de programmation qui prennent en compte le handicap ou l'impact du genre. Ces approches se voient le plus souvent dans le contexte des projets qui ciblent spécifiquement les personnes ayant un handicap ou les femmes. La prise en compte de ces groupes est certainement un élément important de l'inclusion : des projets ciblés sont essentiels pour répondre aux besoins particuliers des personnes ayant un handicap ou des femmes et pour surmonter les obstacles systémiques auxquels ils peuvent être confrontés pour bénéficier de nos interventions.

Toutefois, se concentrer sur un seul statut ou identité (« avoir un handicap » ou « être une femme ») ne suffit pas si nous voulons intégrer l’inclusion. Cela peut nous conduire à oublier d’autres groupes qui peuvent également être marginalisés ou à risque d’exclusion dans l’environnement de notre projet. Nous pourrions également négliger d’autres aspects de l’identité d’une personne qui pourraient compliquer davantage sa capacité à profiter pleinement de notre intervention.

Lorsque nous intégrons l'inclusion dans nos programmes, nous reconnaissons que les personnes ont des identités multiples et intersectées qui ont d’incidence sur le fait qu'elles soient victimes de discrimination et d'exclusion ou non, et dans quelle mesure. Quelqu'un n’est pas « seulement » une femme ou une personne ayant un handicap : on peut être une femme déplacée de force qui est chef de famille, ou un garçon ayant un handicap intellectuel issu d’un groupe ethnique marginalisé vivant dans une zone rurale.

L'intégration de l'inclusion signifie que tous les groupes, quelle que soit leur identité, sont visibles et représentés de manière significative dans notre programmation. Cela signifie également que nous prenons des mesures pour identifier et réduire les obstacles à leur représentation. Lorsque nous intégrons l’inclusion et que nous ciblons un groupe particulier parallèlement, nous suivons une « double approche » ou une « approche à deux volets ».

Caractéristiques du S&E inclusif

Que signifie « l’intégration de l’inclusion » pour les praticiens ? Parfois, nous travaillons sur des interventions qui ont envisagé l'inclusion dès la phase d'identification du projet et pour lesquelles il y a une feuille de route évidente à suivre, comme une théorie du changement et un cadre logique. D'autres fois, nous pourrions nous retrouver dans des situations où l'inclusion n'a pas été considérée aussi systématiquement et où il n'y a pas de cadre ou base de référence à partir duquel travailler. Cela peut être le cas pour les interventions dans les situations d’urgence.

La bonne nouvelle est qu'il n'est jamais trop tard pour appliquer une approche inclusive à une intervention en utilisant nos processus et outils de S&E, et qu’il existe de nombreuses façons de le faire. Voici quelques-unes :

Caractéristiques du S&E inclusif
Caractéristiques du S&E inclusif

Tenir compte des problèmes d'inclusion dans votre base de référence

Avant de concevoir un système de S&E inclusif, nous devons faire en sorte que nous disposons de toutes les informations dont nous avons besoin. L’analyse initiale de la situation, l’évaluation des besoins ou l’étude de base sur laquelle nous fondons nos choix méthodologiques doit nous indiquer à quels groupes ou formes d’exclusion dans l’environnement du projet nous devons accorder une attention particulière. Par conséquent, cette analyse préliminaire doit examiner attentivement les relations de pouvoir et les causes de discrimination et d’inégalités dans un contexte donné. Ce n'est que lorsque nous avons une image complète que nous pouvons prendre une décision éclairée sur les indicateurs à utiliser, le niveau de désagrégation requis dans nos données, les méthodes de collecte de données les plus appropriées, etc.

Utiliser des indicateurs inclusifs, quantitatifs ainsi que qualitatifs

Les indicateurs nous indiquent si une intervention progresse ou a atteint les résultats escomptés et nous alertent lorsque quelque chose ne se passe pas comme prévu. S'assurer que les différents groupes sont pris en compte dans nos indicateurs nous permet de mesurer et d'évaluer les résultats avec précision et de remettre le projet dans la bonne direction si nos données nous montrent que cela est nécessaire.

La formulation d'indicateurs pertinents est donc une condition préalable à l'intégration de l'inclusion dans le S&E. Il existe plusieurs façons de le faire, en fonction des objectifs de notre intervention. Jetons un coup d'œil à différents types d'indicateurs et comment nous pouvons les utiliser :

  • Indicateurs liés à la personne et non liés à la personne

Les indicateurs de résultats qui mesurent les changements prévus parmi les personnes (les individus, les ménages, les communautés ou les sociétés) peuvent être différenciés en fonction de différents groupes de bénéficiaires afin de vérifier si le changement est le même. Un exemple de ceci serait un indicateur qui différencie les « réfugiés vivant dans un camp » des « réfugiés vivant dans des logements urbains ». Pour un projet ou une activité qui cible un groupe particulier, un indicateur spécifique peut être utilisé. Un exemple de cela serait de mesurer le changement pour les femmes uniquement, plutôt que pour les femmes et les hommes.

Des indicateurs neutres, qui ne sont ni différenciés ni spécifiques, sont appropriés dans les cas où le fait d'avoir un certain statut ou une certaine identité n'est pas pertinent pour les changements observés. Par exemple, si l’indicateur est « tous les conseillers en santé acquièrent des connaissances sur les normes éthiques en matière de soins pour les personnes ayant un handicap », peu importe que les conseillers en santé aient eux-mêmes un handicap ou non.

Les indicateurs des changements prévus qui ne sont pas mesurés par rapport aux personnes, mais qui ont un impact sur l’inclusion des personnes dans l’environnement du projet, peuvent également refléter le degré auquel une intervention est inclusive dans ses objectifs. Celles-ci pourraient inclure des changements dans la performance institutionnelle (au niveau d’effets) ou la disponibilité d'un nouveau produit ou service (au niveau de produits). Imaginez un projet qui soutient un ministère dans la conception et la mise en œuvre d'une politique. Même si la politique n'est pas principalement axée sur le genre, vous pourriez avoir un indicateur d’effet tenant compte du genre tel que « chaque année, le ministère publie des déclarations désagrégées par sexe sur les résultats de la politique ».

  • Combiner les indicateurs quantitatifs et qualitatifs

Il est important de considérer l'utilisation d'indicateurs à la fois quantitatifs et qualitatifs, car certains changements sont dénombrables tandis que d'autres ne le sont pas. Les mesures quantitatives ne peuvent à elles seules saisir des concepts intrinsèquement qualitatifs, tels que « l’autonomisation » ou « l’égalité des sexes ». Imaginez que vous utilisiez « le ratio femmes/hommes » comme indicateur pour un cours de renforcement des capacités. Même si vous constatez que le taux de participation des femmes au cours est élevé, cela ne vous dit pas si les femmes et les hommes en ont bénéficié équitablement. Pour mieux comprendre l’impact réel de la formation, vous devrez poser des questions telles que : « Le contenu de la formation était-il pertinent pour les hommes et les femmes ? » ou «La participation à la formation a-t-elle produit des résultats tout aussi positifs pour les deux ? ». Autrement dit, une participation égale peut être nécessaire pour l'égalité des sexes, mais elle n'est pas suffisante en soi. Les indicateurs qui sont utiles pour l'inclusion se concentreront sur la substance et la qualité des résultats et définiront des critères spécifiques pour ce qui constitue chacune dans le contexte du projet.

  • Utiliser les indicateurs pour fixer des objectifs d'inclusion

Nous pouvons utiliser les indicateurs de manière proactive pour nous tenir responsables de notre engagement en faveur de l'inclusion. Les indicateurs de résultats sont souvent utilisés pour contrôler la qualité et la participation, qui sont deux aspects importants de l'inclusion dans un projet. Nous pouvons en conséquence fixer des objectifs ou des quotas d'inclusion au niveau de produits. Un exemple serait de fixer un objectif pour un certain taux de participation d'un groupe particulier à nos activités, ou un certain niveau de satisfaction parmi les bénéficiaires. En matière de redevabilité, les indicateurs au niveau d’activités peuvent également nous donner des indices importants pour savoir si une organisation concrétise son engagement pour l'inclusion en investissant des ressources humaines et financières réelles.

Utiliser un modèle de méthodes mixtes pour la collecte et l'analyse de données

Tout comme les indicateurs quantitatifs et qualitatifs peuvent nous dire des choses différentes sur la performance et la qualité de notre intervention, les méthodes quantitatives et qualitatives de collecte et d'analyse des données ont également des usages et des avantages différents. Les premières sont particulièrement utiles pour décrire ce qui arrive à une large population et pour généraliser les résultats, tandis que les dernières sont particulièrement utiles pour répondre aux questions de « pourquoi » qui nous permettent de mieux expliquer nos résultats dans leur contexte particulier.

Une combinaison des deux méthodes nous aide à comprendre les effets d'une intervention sur une population en général et sur différents groupes au sein de celle-ci. En utilisant la triangulation, nous pouvons tester la validité de nos résultats pour divers groupes. Ces deux perspectives nous donnent également la flexibilité d'expliquer les changements dans des contextes complexes et de comprendre ce qui fonctionne et pour quel type de personne, ce qui ne fonctionne pas et pour quelle raison. Cela nous permet également d’en tirer des leçons qui peuvent améliorer l’exécution d’un projet en cours ou éclairer les interventions futures.

Collecter des données de suivi désagrégées

La désagrégation des données en fonction des caractéristiques pertinentes vous permettra d’évaluer l’impact de votre intervention sur les différents bénéficiaires, de révéler les tendances concernant leur participation à des activités ou leur utilisation des produits et services, et de suivre les objectifs d’inclusion de votre projet. En ne désagrégeant pas, certains groupes risquent de devenir « invisibles » dans nos données, ce qui pourrait amener une intervention à ne pas être suffisamment ciblée et donc laisser les gens derrière.

Les données peuvent être désagrégées selon de nombreuses catégories, par exemple par sexe et genre, âge, capacité (et la nature de la déficience, le cas échéant), localisation géographique (des zones urbaines, rurales, éloignées, etc.), race, origine ethnique, classe, niveau de revenu, groupe linguistique, statut migratoire, état matrimonial, orientation sexuelle, niveau d'éducation ou religion. Le choix dépend de quelles informations sont les plus pertinentes et utiles pour votre intervention et vos indicateurs, ainsi que du contexte particulier dans lequel vous travaillez. L'analyse initiale de la situation doit éclairer ce choix.

Idéalement, les données désagrégées devraient être saisies dans la base de référence préparée pour une intervention, et devraient ensuite être systématiquement collectées, analysées et rapportées. Disposer de données de suivi désagrégées de bonne qualité aura également un impact direct sur la qualité et l'utilité des évaluations ultérieures en matière d'inclusion.

Encourager la participation des parties prenantes au S&E, en particulier les bénéficiaires

Le concept d'inclusion est étroitement lié à celui de participation. Impliquer les parties prenantes dans le suivi et l'évaluation de votre intervention peut la rendre plus efficace, responsable et durable. Les bénéficiaires de votre intervention sont des « experts en matière » par rapport à leur propre situation qui possèdent des connaissances personnelles, localisées et contextuelles. Ces connaissances peuvent éclairer la conception d'un système de S&E, nous aider à acquérir une compréhension plus approfondie des résultats et garantir que les résultats peuvent être utilisés par et pour les communautés affectées elles-mêmes.

Il existe de nombreuses manières d'intégrer la participation dans notre système de S&E, telles que :

  • Décider de la manière dont les progrès doivent être définis et mesurés : choisir des indicateurs et des mesures de manière collaborative peut rendre une intervention plus réaliste, culturellement pertinente et réactive dans ses objectifs.

  • Utilisation de méthodes de collecte de données participatives : les méthodes qui impliquent activement les principales parties prenantes nous permettent de mieux comprendre les opinions et les expériences des bénéficiaires et peuvent faciliter le processus de collecte de données lui-même. De nombreuses méthodes ont été conçues spécifiquement pour la participation, telles que la cartographie communautaire ou le classement participatif.

    Même si un cadre de S&E n'utilise pas de telles méthodes, nous pouvons néanmoins nous assurer que les méthodes les plus couramment utilisées sont aussi inclusives que possible en identifiant et en réduisant les obstacles à la participation et à la représentation de tous les groupes. Par exemple, vous pouvez organiser des groupes de discussion séparés pour différents groupes (en fonction de leur sexe, de leur appartenance ethnique, de leur appartenance à une communauté hôte ou déplacée, etc.) pour permettre aux gens de s'exprimer pleinement s'ils se sentiraient inhibés ou pas en sécurité dans un groupe mixte.

  • Impliquer les bénéficiaires dans l'interprétation des données et agir sur les résultats : une approche collaborative de l'interprétation est un moyen utile de parvenir conjointement à des conclusions avec les bénéficiaires ou d'examiner et de valider les conclusions tirées par les spécialistes du S&E.

Les approches participatives du S&E feront l'objet de mon prochain article, dans lequel nous examinerons de plus près les avantages et les défis de l'utilisation de ces approches et les outils participatifs disponibles aux professionnels du S&E.

Mettre en place un mécanisme de rétroaction

La collecte systématique des opinions des bénéficiaires peut fournir des informations utiles sur l’impact d’une intervention et la qualité de ses processus. Un mécanisme de rétroaction peut recueillir des informations sur la mesure dans laquelle une intervention atteint des différents groupes et leur est équitablement bénéfique (ou est perçue de le faire par la communauté). Pour qu'il s'agisse d'un outil de suivi inclusif et représentatif — et non dominé uniquement par des groupes puissants — nous devons identifier et supprimer les obstacles à son utilisation par les groupes les plus marginalisés. Il est également important de mettre en place un processus pour apporter des changements en fonction des commentaires reçus.

Lorsqu'il est correctement conçu, un mécanisme de rétroaction peut encourager nos interventions à être davantage axées sur la demande, centrées sur les personnes et inclusives. Les outils pour un tel mécanisme comprennent des boîtes à suggestions, un numéro de téléphone ou une adresse e-mail dédiée à recevoir des commentaires, un bureau d’aide sur le site du projet et des tableaux de bord communautaires.

Respecter les considérations d'éthique et de sécurité

Un système de S&E qui n'est pas inclusif et qui ne tient donc pas compte de l'impact différentiel qu'il peut avoir sur les personnes peut avoir des conséquences négatives. Cela peut au mieux conduire certains groupes à être laissés pour compte par une intervention et, au pire, avoir pour conséquence involontaire de renforcer la discrimination ou de mettre la sécurité des personnes en danger. Les choix méthodologiques et pratiques que nous faisons à propos de nos processus de S&E sont également des choix éthiques qui devraient être sensibles aux conflits et être guidés par le principe « ne pas nuire ».

Au moment de décider quelles données collecter et comment le faire, nous devons toujours évaluer les avantages d’avoir ces données par rapport aux risques potentiels pour les informateurs. Par exemple, étant donné que certaines méthodes de collecte de données participatives peuvent prendre du temps, vous pouvez choisir de ne pas les utiliser dans un contexte d'intervention d'urgence. Même si les données que vous pourriez collecter grâce à ces méthodes seraient bénéfiques à l'intervention ou à votre organisation, vous déterminez que le processus imposerait une charge excessive sur les bénéficiaires, qui utiliseraient autrement leur temps et leur énergie pour des activités de survie.

Le principe « ne pas nuire » s'applique également à la façon dont nous procédons à la collecte de données. Par exemple, lorsque vous interviewez des survivants de violences sexuelles et basées sur le genre, vous devriez être en mesure de les diriger vers les services de soutien et de protection au cas où ils en auraient besoin. Vous protégeriez soigneusement leur anonymat au cas où ils seraient stigmatisés dans leur communauté si d'autres prenaient conscience de leur expérience. Ce principe s'applique également à ceux qui font la collecte des données. L’intervieweur dans ce scénario risquerait de subir un traumatisme secondaire en entendant le témoignage du survivant de l’expérience traumatisante. Lors du recrutement des enquêteurs et enquêtrices, vous devez donc tenir compte de leur capacité à collecter ce type de données et vous assurer qu'un soutien et / ou une supervision adéquats sont en place pour eux.

Faire explicitement référence à l'inclusion dans les rapports et les évaluations

Même si une intervention n'a pas d'objectifs spécifiques liés à l'inclusion, il est toujours possible d'appliquer une perspective d'inclusion en mettant en évidence les résultats pertinents tirés de nos données de suivi dans nos rapports. Par exemple, il convient de noter si un groupe de personnes utilise beaucoup moins un produit ou un service qu'un autre. En tant que professionnels du S&E, nous tirons des conclusions de nos données au profit des décideurs du projet. En soulignant systématiquement les lacunes d'inclusion dans nos rapports, nous pouvons leur rendre le problème plus visible.

Il est également recommandé d'intégrer des questions spécifiques dans une évaluation pour analyser les performances d'une intervention en matière d'inclusion. Consulter les bénéficiaires pour formuler des questions est un bon moyen de savoir ce qu'il faut demander afin d'évaluer correctement l'impact et le changement pour différents groupes. Si une intervention n'a pas envisagé l'inclusion dans sa programmation, c'est en soi une constatation intéressante et les conséquences de cette décision méritent d'être examinées dans une évaluation.

Il est clair que nous pouvons beaucoup faire pour rendre le S&E plus inclusif. La manière exacte et la mesure dans laquelle nous décidons de le faire dépendent de nos objectifs : nous pouvons simplement collecter des données sur le caractère inclusif d'une intervention elle-même ; nous pouvons aller plus loin en nous assurant que les parties prenantes principales, en particulier celles qui sont normalement marginalisées ou exclues, participent à nos processus de S&E ; et nous pouvons utiliser activement ces processus et nos résultats pour stimuler le changement social dans l’environnement de notre projet.

Nos choix seront également façonnés et éventuellement limités par nos circonstances. Lors de la conception d'un système de S&E, nous devons garder à l'esprit la capacité organisationnelle, les ressources humaines et financières dont nous disposons et le contexte dans lequel nous opérons. En fin de compte, cependant, même les petits changements que nous apportons en fonction de ces contraintes peuvent avoir un impact important sur la visibilité et la représentation significative des groupes autrement marginalisés et exclus dans notre programmation.

Utilisation d'ActivityInfo pour un systeme de S&E inclusif

Les outils que nous utilisons pour gérer l’information ont un rôle important à jouer dans chaque système de S&E et ils peuvent nous aider à intégrer l'inclusion dans nos processus de S&E. ActivityInfo a été spécialement conçu pour être utilisé dans des contextes humanitaires et de développement difficiles, et peut donc réduire les obstacles aux pratiques inclusives de plusieurs manières.

Installation rapide et support technique : ActivityInfo permet aux organisations de configurer très rapidement et indépendamment une base de données et des formulaires de collecte de données. Ne pas avoir à créer nos bases de données à partir de rien ou compter sur des feuilles de calcul d’être correctement échangées et mises à jour nous permet de gagner du temps précieux dans les premiers moments d'une intervention, qui sont particulièrement essentiels pour saisir des données de base. L'équipe ActivityInfo est disponible pour répondre à toute question technique, ce qui signifie que les organisations peuvent concentrer leur énergie sur la conception de leur intervention plutôt que sur les configurations du système et les difficultés techniques.

Accessibilité : la plateforme nous permet de nous assurer que les parties prenantes sont représentées de manière significative dans les données collectées. ActivityInfo est disponible hors ligne et accessible par ordinateur de bureau et dispositif mobile. Cela facilite la collecte de données dans les zones éloignées et les zones à mauvaise connectivité. Il permet donc aux organisations d'inclure des populations dans leurs activités de suivi et d'évaluation, auxquelles il serait autrement difficile d'accéder. Les formulaires sont faciles à naviguer et peuvent être conçus dans n'importe quelle langue, ce qui est une fonctionnalité utile lorsque nous menons des enquêtes auto-administrées dans une langue locale, par exemple. L’interface elle-même est également disponible en plusieurs langues, ce qui facilite l’utilisation d’ActivityInfo dans toutes les opérations d’une organisation, même si celles-ci s’étendent sur différents pays, et facilite le suivi par un tiers.

Flexibilité dans la conception d’enquêtes : en outre, la fonctionnalité de conception de formulaire flexible permet la collecte de données quantitatives et qualitatives pour les indicateurs de processus et de résultats agrégés et désagrégés à tous les niveaux de l'intervention. Les questionnaires peuvent être construits avec des règles de validation et de pertinence pour garantir la qualité des réponses et peuvent inclure des calculs intégrés pour aider les organisations à tirer et à affiner des conclusions à mesure que des données sont ajoutées au formulaire.

Sécurité des données : ActivityInfo est construit sur une base sécurisée. Les données sont stockées sur des serveurs situés à travers plusieurs endroits en Europe pour garantir qu'il y ait suffisamment de sauvegardes en cas de catastrophe naturelle ou de panne d'un serveur dans une région. Il existe également une grande variété d'autorisations utilisateur qui peuvent être définies dans la plateforme pour contrôler complètement qui peut accéder à quelles données, facilitant ainsi la protection des informations personnelles des bénéficiaires. Avec des champs de formulaire spécifiques, tels que les numéros de série, vous pouvez également créer des enregistrements anonymes et même créer un système de gestion de cas ou de référence complet. L'équipe ActivityInfo propose également des webinaires et des guides sur la sécurité des données pour informer les professionnels du S&E des meilleures pratiques et des risques de sécurité.

Outils d'établissement de rapports pour encourager la participation : enfin, la plateforme peut faciliter un suivi précis et une interprétation collaborative des données. Les rapports sur ActivityInfo sont toujours mis à jour en temps réel au fur et à mesure que les données arrivent, ce qui facilite le suivi et l'évaluation de la qualité et de l'impact d'une intervention, y compris pour des groupes de population désagrégés. Les organisations peuvent impliquer les bénéficiaires et autres parties prenantes en publiant et en partageant facilement des rapports visuels ou tabulaires basés sur les données collectées dans la plateforme. Les tableaux de bord, cartes et autres rapports publiés sont facilement accessibles et peuvent être utilisés pour faciliter les discussions sur les résultats entre les parties prenantes du projet.

Conditions propices à l'inclusion

En tant que professionnels du S&E, nous avons énormément de pouvoir et de responsabilité : nous pouvons décider de ce qui compte comme « progrès » et « impact ». Nous déterminons ce qui est mesuré et évalué, et quelle voix est prise en compte. Nous sommes souvent dans une position privilégiée unique pour écouter directement les populations touchées et pour orienter une intervention à travers les preuves que nous présentons. Nous pouvons donc faire beaucoup pour plaider en faveur de pratiques inclusives dans le S&E et dans l’élaboration de programmes humanitaires et du développement en général.

Et nous devrions le faire : si j’ai plaidé aujourd’hui pour un S&E inclusif du point de vue de l’efficacité de la programmation, il existe également des arguments éthiques connexes qui sont tout aussi importants. L'égalité et la non-discrimination sont des principes fondamentaux des droits de l'homme qui sont importants dans la manière dont beaucoup d'entre nous abordent notre travail (par exemple, ils sont incarnés dans l'engagement de ne laisser personne de côté qui est au cœur des objectifs de développement durable). « Rien pour nous sans nous », un slogan étroitement associé au mouvement des droits des personnes handicapées, exprime le principe connexe selon lequel toutes les personnes ont le droit de participer activement aux processus de prise de décisions qui affectent leur vie et leur bien-être, et le S&E est étroitement lié à ces processus. Les populations affectées de ce point de vue ne sont pas seulement des parties prenantes de nos interventions, mais des titulaires de droits. En tant que professionnels du développement et de l'humanitaire, nous nous efforçons d'appliquer et de respecter les standards, normes et codes de conduite professionnels, dont beaucoup sont fondés sur ces principes fondamentaux des droits de l'homme.

La considération systématique de l'inclusion se prête donc naturellement à notre travail, mais nous ne pouvons pas agir seuls. Le S&E inclusif nécessite un ensemble de conditions propices qui s’appuient sur un engagement organisationnel en faveur de l'inclusion, comme une culture organisationnelle qui encourage la prise en compte de l'inclusion ; l’intégration de l’inclusion dans différents aspects des opérations de l’organisation (les POP, les politiques) et dans l’approche de programmation (dans la théorie du changement) ; des ressources humaines et financières dédiées (la taille de l'équipe du S&E, ayant une ligne budgétaire distincte pour le S&E inclusif) ; et la capacité de S&E inclusif (avons-nous accès à des experts en la matière et à des experts en inclusion pour leur input et leurs conseils ?).

Nous devons donc être des champions de l'inclusion non seulement dans notre propre travail, mais également au sein de nos organisations et auprès de nos clients. Pour rendre la programmation plus efficace et plus adaptée aux personnes que nous servons en fin de compte, nous devons plaider pour les conditions qui nous aideront à passer de la parole aux actes en faveur de l'inclusion.

L'équipe d’ActivityInfo tient à remercier Mme Naomi Falkenburg pour cet article perspicace et détaillé sur le suivi et l’évaluation inclusif. Mme Falkenburg est une partenaire agréée d’ActivityInfo depuis juillet 2020.

Naomi Falkenburg est une consultante indépendante qui travaille avec des acteurs humanitaires et du développement pour concevoir, gérer et apprendre de leurs interventions et pour mener des recherches et des analyses perspicaces. Naomi pense que les interventions les plus efficaces sont inclusives et fondées sur des preuves, et elle aime donner aux autres les moyens d'utiliser le S&E à cette fin. Avant de devenir consultante, Naomi a travaillé au sein de plusieurs agences des Nations Unies et ONG internationales en Afrique de l'Ouest, en Europe et en Asie de l'Est, sur des thèmes tels que l'égalité des sexes, l'inclusion des personnes ayant un handicap, la migration et les déplacements forcés, le travail décent et le développement des compétences pour les jeunes, et l’inclusion numérique. Elle est certifiée en gestion de projet pour le développement (Project DPro) et membre de l'Association internationale des professionnels de l'assistance humanitaire et de la protection (PHAP). Naomi est titulaire d’un master (MSc) du Département de développement international de l’Université d’Oxford et d’un baccalauréat en politique et en études internationales de l’Université de Warwick.

Sources et lectures supplémentaires